1.1 - Rappel de l'intérêt patrimonial des zones humides

 

" Il est aussi stupide d'assécher le dernier de nos grands marais qui recèle une abondante vie naturelle sauvage, que de démolir la cathédrale de Chartres pour en faire un champ de pommes de lerre".

Comte Léon Lippens "Les zones humides". de Braakhekke et Marchand. 1987.

 

Au vocable général de "zone humide" correspond une grande variété de milieux. En fait tout secteur où l'abondance d'eau joue un rôle prépondérant pendant au moins une partie de l'année, peut être défini comme une zone humide.
Nous retiendrons la définition de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature et de ses ressources (U.J.C.N.) qui servit de base à la Convention Internationale de Ramsar (1971) dans laquelle une quarantaine de pays - dont la France - se sont engagés à "enrayer à présent et dans l'avenir les empiètements progressifs sur ces zones humides et la perte de ces zones" :

Sont considérées comme zones humides "toutes zones de marais, marécages, tourbières ou eaux libres, qu'elles soient naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, que l'eau soit stagnante ou courante, douce, saumârre ou salée, incluant les zones d'eau marines littorales, dont la profondeur ne dépasse pas six mètres à marée basse".

Outre cette définition, les zones humides peuvent aussi être identifiées par un certain nombre de caractéristiques qu'il nous semble important de rappeler en guise d'introduction à ce mémoire.

  1. Les zones humides sont relativement rares: elles ne représentent que 2 % - soit 900 millions d'ha - de la surface terrestre du globe (Braakhekke et Marchand 1987). Bien qu'étant d'un intérêt biocénotique et économique souvent primordial - en Europe comme dans les pays du tiers monde - elles ont depuis toujours suscité une réaction de rejet chez la majorité des peuples et on fait l'objet de nombreux travaux destinés à leur assèchement et leur disparition. En France, nous citerons, entre autres, l'édit d'Henri IV de 1599 incitant à assécher "tous les paluds de France" et les quelques milliers d'hectares ayant fait l'objetd'un drainage depuis la dernière guerre. La part des zones humides, déjà réduite, tend donctoujours à s'amenuiser.
     
  2. Elles présentent naturellement une diversité importante de biotopes, inclus au sein du gradient allant du milieu franchement aquatique à celui franchement sec, Une zone humide est donc, en fait, une véritable mosaïque de milieux humides différents possédant entre eux d'étroites relations hydrauliques et biocénotiques.
     
  3. Elles possèdent une grande originalité par rapport aux autres territoires. La présence d'eau confère en effet aux biotopes qu'elles abritent des caractéristiques suffisamment particulières et fortes pour que les biocénoses qui les peuplent leur soient tout à fait spécifiques.Ceci est vrai pour l'ensemble des éléments floristiques et faunistiques de ces biocénoses, même si certains, comme l'avifaune, sont plus notoirement connus, alors que, d'autres,comme l'entomofaune, passent plus inaperçus ou sont réduits à. un seul groupe d'espèces (par exemple les moustiques!). Chaque biotope humide ayant son cortège floristique et faunistique, les zones humides présentent donc une grande diversité d'espèces originales par rapport aux milieux voisins. Parmi ces espèces et étant donné le faible développement de ces zones, beaucoup sont rares, en voie de régression ou de disparition.
    L'originalité et la diversité des biotopes et des biocénoses des zones humides, en font également des secteurs de haut imérêt paysager.

     
  4. Les zones humides ont une productivilé biologique très remarquable et les scientitiques incluent les marais parmi les milieux les plus productifs de la planète. Cette production n'esl pas sans possèder un impact économique. nolamment en matière de chasse et de pêche.
     
  5. Enfin, plus que d'autres écosystèmes, les zones humides restent largement ouvertes et en communication avec les autres territoires. Quelques exemples très simples illustrent ces relations inter-écosystèmes :
  • La très grande majorité des oiseaux aquatiques sont migrateurs, ils assurent donc une dépendance entre zones humides parfois très éloignées les unes des autres.
  • De nombreux animaux, tels les batraciens. nécessirelll la présence d'une zone humide pour leur reproduction, alors qu'ils vivent le reste de l'année dans les milieux plus secs où ils jouent un rôle fondarnental en tant que prédateurs.
  • Enfin, les zones humides interférent de façon notable dans le cycle général de l'eau et contribuent donc à la distribution qualitative et quantitative de cet élément indispensable à la vie.

 

L'ensemble de ces caractéristiques donne aux zones humides un caraclère naturel fort, un rôle à la fois socio-économique et écologique évident:

- Socio-économique de par la multiplicité des utilisateurs potentie!s ; le tableau issu du livre "Terres et eaux" édité par le CESTA en 1986 en représente les principaux.

- Ecologique, de par la multiplicité de leur fonction :

  • élément de diversité biocénotique ; e!les contribuent au maintien de l'équilibre bioiogigue régional,
  • réservoir d'espèces rares et peu courantes ; elles participent à la conservation de notre patrimoine naturel,
  • régulatrices du facteur eau, elles permettent une meilleure stabilité climatique (la figure ci-dessous, illustre le "rôle tampon" joué par un marais vis-à-vis du facteur eau, dont bénéficient les milieux voisins).